Technothécaire

Blog techno pour bibliothécaires francophones par une bibliothécaire un peu geek et très curieuse. Revue des technos qui sont dans les bibliothèques publiques un peu partout dans le monde. Technologies de base ou avancé? Tendances lourdes ou modes? Des liens vers des ressources, des blogs allumés (en anglais ou français), des réponses à des questions.

2007-03-22

Immigrants et natifs numériques -2

Les natifs numériques, ces jeunes, nés entre 1982 et 2000, ont passé plus de 10 000 heures à jouer avec des consoles de jeux vidéo. Mais moins de 5000 heures à lire des livres. Ces chiffres que Marc Presky avancent dans son deuxième article « Do they really think differently ? » en 2001, sont des approximations, des ordres de grandeurs et peuvent variés grandement d’un individu à l’autre.

Prensky croit que le cerveau humain évolue et change physiquement tout au long de notre vie. Certaines recherches en neurobiologie semblent indiquer que la structure du cerveau change et est affecté par les stimulations externes. Le cerveau se réorganiserait continuellement tout au long de notre vie. Prensky avance que nos schémas d’apprentissage changent selon nos expériences et que lorsque nous assumions que les schémas de déduction logique étaient les mêmes pour tous cela ne serait pas le cas. Mais les schémas et la structure du cerveau ne changent pas sans un effort colossal. Un focus intense, des actions répétées avec un rythme intense. Un programme répété durant plusieurs heures par jour, plusieurs jours par semaines et durant plusieurs semaines. Prensky fait le lien avec la pratique des jeux vidéo et voilà pour lui, la réponse aux différences entre les immigrants et natifs du numérique. Ils utilisent des parties différentes de leurs cerveaux, de façon différente. Pour lui, l’hypothèse que leurs cerveaux soit même physiologiquement différents n’est pas farfelue ou incroyable. Il est en plutôt convaincu.


« Ils ont une capacité d’attention réduite » est un refrain qui revient souvent pour qualifier les natifs du numérique. Presky souligne que les natifs numériques ont une plus grande capacité pour le multitâche et qu’ils peuvent se concentrer lorsqu’ils sont motivés. La grande différence est qu’ils ne sont pas interpellés par la façon traditionnelle d’apprendre et qu’ils choisissent de ne pas porter attention.


The Emerging Online Life of the Digital Native” Prensky avance quelques comportements qui sont en évolution ou carrément en mutation chez les natifs numériques.

  1. Ils communiquent par messagerie instantanée, par SMS et clavardage. Leur syntaxe et orthographe sont à des années lumières de la syntaxe et orthographe actuelle acceptée. Ce qui creuse le fossé entre les non initiés (professeurs, employeurs, etc. et les employés, étudiants, élèves etc.
  1. Ils partagent leurs vies, leurs actions de façon très publique via leurs blogues, leurs pages MySpace, les webcaméras et téléphones caméra. Ils partagent les plus menus détails de leurs vies privées et ce sans filtre ou si peu. Leurs vies sont un livre ouvert. Taper le nom de l’un deux dans Google et vous serez surpris du résultat. Les immigrants numériques utilisent aussi ces technologies mais de façon à partager intellectuellement le savoir et non un partage émotionnel de leurs vies. Ce partage est plutôt fait sur des blogues à accès restreint.
  1. Ils consomment et échangent les biens de façon virtuelle. Ils troquent, échangent de la musique, des « items » de jeux numériques, des films comme les immigrants numériques échangeaient des cartes de hockey. Mais l’espace de troc des natifs numériques est internet avec Ebay et tous les sites de partages de personne à personne (P2P). Cette façon de consommer dans le monde virtuel brouille les frontières entre ce qui est gratuit et à qui appartient le bien partagé. L’affrontement continue entre les propriétaires des biens (studios de cinéma, compagnies de disques, etc) et les natifs numériques.
  1. Ils créent du contenu numériques, pas toujours conscients des limites et des règles sociales existantes. L’acte de création s’est toujours nourri d’œuvres existantes, Warhol est un bon exemple mais les natifs numériques s’approprient souvent intégralement la création d’autrui ce qui provoque des chocs culturels et intellectuels sur les notions de plagiats, de dérivés d’œuvres.
  1. Ils coordonnent, évaluent et apprennent différemment. Les natifs numériques utilisent les outils de collaboration en ligne pour jouer en réseau, pour rédiger un travail de groupe ou pour simplement placoter ensemble. Ils sont habitués à évaluer un produit, une personne selon sa réputation (le nombre d’amis que tu as sur MySpace par exemple), les critiques laissées sur le produit etc. (comme Amazon, FutureShop). Leurs premiers réflexes pour vérifier une information ou creuser un sujet d’intérêt est le web. C’est leur première source d’information.
  1. Ils analysent, recherchent cette information avec des balises très différentes des immigrants numériques qui continue de lire les journaux, de comparer différentes sources d’information. Pour les natifs numériques s’ils ne le trouvent pas sur le net, cela n’existe pas.
  1. Pour les natifs numériques, les repères sociaux, les comportements sociaux ont des balises et des limites très différentes. Rencontrer quelqu’un en personne, qu’ils n’ont jamais vu mais avec qui ils ont communiqué depuis des mois, voir des années est normal et usuel. À l’opposé complet des générations précédentes.

L’impact sur nos services de ces comportements est en progression fulgurante. Par exemple, la prohibition de l’utilisation des cellulaires en bibliothèque et l’incompréhension des utilisateurs de cette règle. On coche l’item 1, pour eux leur téléphone fait partie de leur vie comme respirer; on coche l’item 2, partage instantané de leur vie avec leur cercle d’amis et le peu d’importance aux limites de leur vie privée et celle des autres. Résultat : affrontements, pleurs et crissements de dents perpétuels. Et la situation ne s’améliorera pas.

Comment composer, communiquer avec cette nouvelle génération sera un de nos plus grands défis.

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